Le mot du metteur en scène

Ce que vous allez voir ce soir est l’aboutissement d’un travail de deux années scolaires.   Tout a commencé en septembre 2011 lorsque Thierry Martin nous a parlé de son envie de réaliser un nouveau spectacle à l’échelle de Kaïdara (notre spectacle de 2005) sur le personnage de J.M Barrie,  Peter Pan.   Je me suis proposé comme metteur en scène et, une fois accepté, me suis entouré d’une équipe de responsables dans le corps enseignant formant ainsi le « comité du spectacle ».

Au début, j’étais très perplexe. Tout d’abord, je ne connaissais pas vraiment l’univers de Peter Pan, mis à part le long-métrage de Disney (que je n’appréciais pas outre mesure). Ensuite, Peter Pan implique un décor et une machinerie assez complexe car tout le monde le sait, il vole ! Je me suis donc très vite plongé dans le livre et ai regardé plusieurs films et séries traitant du personnage.

Finalement, je re-découvrais Peter Pan en me rendant très vite compte qu’il ne s’agissait en rien du personnage caricaturé par Disney. Peter Pan est en effet un enfant vaniteux, égoïste et cruel. Il est, en beaucoup de points, semblable au Capitaine Crochet. Ils se craignent mutuellement mais ne sont jamais bien loin l’un de l’autre. L’un est un enfant qui ne veut pas grandir, l’autre est un adulte qui a peur du temps qui passe.  Le temps qui passe est probablement le thème le plus important de l’histoire. D’ailleurs, Peter oublie assez régulièrement. Il n’a pas de souvenir. Car se souvenir c’est grandir !  Le temps passe pour chacun d’entre nous. Quelle ironie pour nous, professeurs, qui côtoyons tous les jours des enfants. Ne sommes-nous pas de grands enfants, avec pour seule envie d’arrêter le temps et de revenir sur les bancs ?  Si nous avons perdu cette âme d’enfance en grandissant, au travers de ce spectacle, nous avons pu en retrouver une petite partie pour revenir au Pays de Jamais Jamais.  Cette part d’imagination est très importante dans l’histoire. Le Pays de Jamais Jamais est un univers que l’on a tous envie de connaître. Tous nos rêves d’enfants s’y retrouvent : les pirates, les indiens, les cabanes dans les arbres, les fées, …

Je découvrais également en l’auteur du livre, James Matthew Barrie,  une personne à la fois fascinante mais aussi complexe et intrigante. Qui est-il vraiment et d’où sort son personnage de Peter Pan ?  Certains verront en Peter Pan l’histoire de son frère mort quand il n’était encore qu’un enfant, d’autres le verront dans un des garçons de son amie Sylvia Llewelyn Davies.

En lisant les premiers chapitres de cette nouvelle histoire écrite par deux de nos professeurs, Yoann De Clercq et Pascal Geulette, j’ai directement retrouvé les éléments clés du livre et les thèmes principaux. La suite de l’écriture aura pris un an. J’aime beaucoup les références à l’histoire originale. Du simple nom Matthew, référence à Barrie, à l’origine de la famille, en passant par les éléments du pays imaginaire, comme le tronc d’arbre un peu tordu. Tout est là pour revivre une nouvelle aventure passionnante avec les enfants perdus, les pirates et les indiens.

Les scénaristes ont introduit cette thématique de l’enfant qui souhaite grandir trop vite. N’est-ce pas là un problème actuel de notre société ? Tout va trop vite et on « zappe » facilement de l’un à l’autre. Nous passons d’une activité à une autre. Avec nos téléphones hybrides, on communique plus vite, on connaît tout, tout de suite… En tant que professeur, je regrette que beaucoup de nos élèves aujourd’hui ne prennent ou n’ont plus le temps.  Il est pourtant important de rester dans sa chambre, seul, à créer des jeux… A imaginer. A créer son pays de Jamais Jamais !

C’est en septembre 2012 que le travail du comité du spectacle commence.  Des décors à la musique, en passant par les régies aux costumes, chacun avait son rôle bien défini. J’en profite ici pour les remercier infiniment. Il s’agit parfois d’une nouvelle expérience pour certains d’entre eux car ils n’ont pas tous vécu la réalisation de Kaïdara. Ils ne savaient pas trop dans quoi ils tombaient ! Je crois qu’on peut dire que nous avons tous effectué deux métiers depuis quelques mois. Il y a eu des moments difficiles mais chacun a réalisé sa tâche avec un grand professionnalisme. Le résultat ne peut être que positif et l’expérience très enrichissante. Alors merci Béa, Estelle, Jean-Luc, Gaïa, Sophie, Raphaëlle, Julie, Elodie, Marie, Pascal, Françoise, Vanessa, Sara, Agnès, et Thierry, l’initiateur de ce projet.  Cela prouve également qu’un tel spectacle peut avoir sa place dans notre école. Ce projet est ambitieux mais permet une collaboration enrichissante entre tous les partenaires. Que soient ici remerciés Mr de Monge, Mme Morandini et Mme Hortal pour leur confiance.

Le « casting » des comédiens a eu lieu en octobre. Notre souhait était d’avoir un représentant par classe, en plus du numéro préparé par les profs. Plus de 120 élèves se sont proposés ! Et puis nous vous avons intégrés vous, parents. C’était un de nos souhaits. Intégrer les élèves, les parents, les professeurs du primaire et du secondaire dans un projet commun et multidisciplinaire. Je pense que l’objectif est réussi.

La mise en scène a commencé tout de suite après. J’ai très vite demandé l’aide de trois autres professeurs, complices du premier spectacle. Béatrice Noël, Estelle De Lange et Jean-Luc Thonet entraient et mettaient en scène.  Pendant toute l’année, nous avons été très complémentaires dans notre manière de mettre en scène. Pour chaque remarque, il y avait toujours quelqu’un pour adoucir le ton ou pour aller plus loin.  Notre vision a été la même et nous avons pris la même direction. Très rapidement, les comédiens ont commencé à s’amuser entre eux et à devenir une petite famille, les grands veillant sur les petits. Il faut savoir que notre troupe se compose d’enfants de 6 à 12 ans, mais qu’il y a également des élèves et des professeurs du secondaire. Car là aussi c’était notre volonté : les enfants jouent les enfants perdus et les adultes sont des pirates.  Une image me vient à ce propos : les enfants de 7 ans jouant avec le Capitaine Crochet dans les coulisses. Il sera, peut-être, leur professeur en secondaire dans quelques années !

Demander à un enfant de 6 ans de jouer une pièce de théâtre n’a rien de facile, ni pour lui, ni pour nous. Mais chacun a progressé selon son rythme et est parvenu à se dépasser. Là aussi, c’est pour nous un objectif atteint ! Le monde artistique étant très pauvre dans notre emploi du temps scolaire, nous avons pu, par l’intermédiaire de ce spectacle, y contribuer un petit peu et toucher pas mal de compétences non sollicitées habituellement.

La partie musicale a commencé en janvier. Les professeurs ont choisi leur numéro. Certains ont préféré chorégraphier des pas, d’autres chanter en live. Nous étions simplement là pour suggérer la mise en scène et vérifier les liaisons entre le tout. Puis nous avons fait appel aux musiciens. Il y a de simples débutants et de vrais professionnels. Il y a des parents, des élèves du secondaire et un chef d’orchestre.  Même si ce ne fut pas toujours facile, ils sont arrivés à donner le rythme au spectacle.

Il y a également ces personnes qui n’ont aucun rapport avec notre école et qui se sont investies pour ce spectacle pendant des semaines. Du décor aux régies, en passant par la musique, la chorégraphie et même les machineries pour faire voler Peter Pan.

Chacun a apporté sa pierre à l’édifice dans ce spectacle qui s’annonce grandiose.  La Direction de notre école qui nous a donné sa confiance, la responsable du théâtre qui nous laisse vivre notre imagination débordante, des professeurs qui s’investissent pour les enfants, le concepteur du décor qui permet de créer avec le régisseur lumières l’ambiance du spectacle, la personne qui nous émerveille par ses tours, le régisseur son et les musiciens pour nous donner la tonalité, les mamans qui ont conçu les costumes,  les élèves qui s’essayent à l’art de la scène,  les ouvriers qui ont construit le décor, les petites mains pendant toute l’année ou uniquement un soir de représentation, des amis qui nous soutiennent…

A tous, merci infiniment. C’est vous également qui nous avez permis de continuer à rêver et à construire ce monde imaginaire.

Alors oui, il y aura peut-être des couacs ce soir, des lignes oubliées, des pas de travers,  une note incorrecte. Mais je pense sincèrement que chacun a réussi à se dépasser pour vivre cette expérience que l’on n’oubliera pas de sitôt ! Finalement, n’est-ce pas là un des objectifs de l’école ? Apprendre et grandir en commettant des erreurs ?

Enfin, je voulais remercier deux personnes qui me sont chères qui m’ont soutenu dans ce genre d’initiative depuis que je suis tout petit. Déjà, à l’époque, je réalisais de petits spectacles sur la table du salon. J’utilisais les lampes de poche comme projecteur et des cartons comme décors. Tous les mercredis, je faisais endurer ces longues et pénibles représentations. Si ma grand-mère ne cessait d’hurler car j’avais encore utilisé un bibelot qui risquait de se casser, mon grand-père ne faisait que bricoler une énième version de projecteur avec des piles toutes neuves… En mettant en scène ce spectacle, j’ai pu retrouver mon âme d’enfant !

Ce projet m’a tenu au cœur pratiquement tous les jours et mon esprit n’a cessé de vagabonder entre réalité et imaginaire. Merci à mon entourage de m’avoir « supporté » pendant ces mois.

Plus Jamais Jamais ! 😉

Yves Khordoc

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